Je m’appelle Mathilde. Et j’ai grandi dans une famille qui ressemblait à une famille normale. Derrière cette apparence de normalité, j’étais en fait, lourdement maltraitée avec des coups, des humiliations et surtout, une privation de l’amour de mes parents, et en particulier de ma mère qui me répétait inlassablement que j’étais mauvaise, que j’étais folle, qu’elle aurait préféré que je meure, qu’elle seule savait qui j’étais réellement, qu’elle seule pouvait me protéger de moi-même. Donc c’était évidemment lourd, angoissant, d’autant plus qu’à l’extérieur, rien de tout ça ne se voyait. En fait, mes parents niaient cette maltraitance et me disaient : « Tout ça c’est pour ton bien, tout ça c’est parce qu’on t’aime. »
Et, à partir de l’âge de 9 ans, l’angoisse l’a emporté et j’ai eu ce qui s’appelle des « tocs » (Troubles Obsessionnels du Comportement) avec des peurs qui m’envahissaient d’être la cause d’un malheur : ça découlait évidemment de ce que ma mère me répétait sans cesse. Parfois, pendant 3 ou 4 heures par jour, sans cesse, je vais vérifier tout ce qui dépendait de moi pour éviter qu’un malheur arrive à cause de moi.
Et, en grandissant, la maltraitance s’est corsée. Et à l’adolescence, d’autres troubles se sont ajoutés aux tocs : cette fois-ci des troubles alimentaires avec une difficulté à me nourrir et le besoin aussi de me faire vomir quotidiennement, plusieurs fois par jour. Se sont ajoutées aussi des idées suicidaires, pas du tout pour arrêter de vivre parce que j’aimais la vie, mais pour arrêter de souffrir et aussi pour échapper à ma mère : je ne voyais pas d’autre solution.
Mais, il y a un mais, ce qui est beau c’est que, cette enfance qui aurait pu m’engloutir littéralement, mystérieusement, elle a aussi été chemin vers Dieu parce que mes parents m’ont fait baptiser et m’emmenaient à la messe régulièrement. Donc, j’entendais parler de Dieu et de son amour pour moi. Et en fait, plus je me découvrais exclue de l’amour de mes parents, plus j’en souffrais, plus je me suis mise à chercher celui de ce Dieu et à y croire. Parce que, croire à cet amour-là, en fait, était une question de survie pour moi. Ce qui ne supprimait pas mes angoisses, n’enlevait pas mes combats, ne transformait pas mes parents non plus, les combats restaient les mêmes.
Et puis un jour, tout d’un coup j’ai compris que je n’étais pas responsable de ce que mes parents me faisaient vivre, mais par contre que je restais responsable de ce que je choisissais d’en faire. J’ai compris que Dieu me tendait la vie, mais qu’Il ne pouvait pas dire oui à ma place et que c’était à moi de dire oui, de Lui dire oui. Et, concrètement, ce oui, ça voulait dire renoncer à ce qui me détruisait pour placer ma confiance en Dieu. C’était ça la vraie guérison.
Et, du coup, je ne l’ai plus lâché. Je Lui ai laissé une place de plus en plus grande dans ma vie. Et donc, c’est en Le rencontrant dans la prière, de plus en plus, quotidiennement, que j’ai pu continuer à guérir et à me laisser aimer par celui qui est devenu mon mari, (on est mariés depuis vingt ans) et que j’ai pu aussi devenir maman, parce que c’était très compliqué pour moi de devenir maman : je voulais bien des enfants mais je ne voulais pas devenir mère, ça me faisait trop peur. Et c’est aussi, en me laissant aimer par Dieu dans la prière, que j’ai pu guérir progressivement des tocs.
Et aujourd’hui, il me reste des stigmates de mon histoire. Je reste faible mais je sais, vraiment je sais sans plus de doute que ma faiblesse ne dépassera jamais sa force et son amour et que, du coup, il n’y a plus aucun malheur à craindre.
(Vous pouvez retrouver l’intégralité du témoignage de Mathilde François dans son livre “De la Maltraitance à la Liberté”, édition les Béatitudes).