Je me présente. Je m’appelle Ludovic. Aujourd’hui, j’ai 59 ans. Et je vais revenir quinze ans en arrière. J’avais 45 ans, je vivais dans le monde. Je travaillais. Mon parcours était en recherche de toutes les convivialités que pouvait m’apporter ce monde : l’alcool, la drogue, l’argent, les relations. Donc j’ai vécu à travers ce monde sans aucun but : je me suis marié trois fois. J’ai eu deux enfants.
Jusqu’au jour où tout s’effondre. Et là, je me retrouve en difficulté face à la justice. Je suis incarcéré. Je vis ce temps. Et j’avais plus aucun but en moi : tout s’était effondré, c’était le néant…J’avais le sentiment qu’en ressortant de là, , je courais vers la mort : ma vie n’avait plus de sens et je ne voyais pas comment j’aurais pu la reprendre en main.
Et, le dernier jour de mon incarcération, j’ai, même pas crié, j’ai engueulé Dieu. Je Lui ai demandé s’Il existait. Après six mois d’attente, en étant libéré de toute contrainte judiciaire, en octobre 2008, j’ai la possibilité de prendre un appartement sur Vannes. Je prends cet appartement en étant au chômage. Dans cette situation, je vis toujours mes dépendances : l’alcool, le tabac et d’autres dépendances. Jusqu’au jour où des jeunes d’une paroisse à côté de mon appartement, viennent frapper à ma porte et me donnent un tract : c’était, peut-être, une réponse intérieure que j’attendais, personnellement, parce que je vivais seul.
Et j’ai répondu à ce tract. Je me suis rendu dans une église : de toute façon, j’avais rien d’autre à faire… Et j’ai pu rencontrer un prêtre qui m’accueille, qui m’ouvre ses bras et qui est là pour m’écouter, sans aucun jugement : c’est bien la première fois que je peux lui étaler toute ma vie, toutes les difficultés que j’ai et la situation dans laquelle j’étais. Sans aucun jugement, il me propose d’intégrer un parcours qu’ils avaient dans la paroisse, pour rencontrer des gens. Donc, j’avais rien d’autre à faire et j’y réponds. Pendant tout ce parcours, j’ai pas répondu à tout ce qui pouvait parler de la foi ou de l’Église… La seule chose qui était agréable pour moi, c’est que j’avais un repas par semaine, solide. Le vin était aussi agréable pendant le repas.
Et, à la fin de ce temps qui a duré pendant un trimestre, on arrive au mois de juillet : l’église se vide. Je me retrouve seul dans mon appartement. Par hasard, je tombe sur un dépliant qui m’amène à un rassemblement chrétien qui se passait à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Donc j’y réponds : j’avais pas les moyens d’y aller mais j’ai réussi à trouver ce qu’il fallait pour passer un temps d’une semaine là-bas. C’était sur cinq jours. Je me suis dit qu’avec le peu de contacts que j’avais eus dans l’église, ça ne pouvait pas me faire de mal… De toute façon, ça me sortait de mon appartement et des contraintes que j’y avais.
Donc je passe ce temps, je me retrouve parmi énormément de personnes. J’ai passé trois jours à pleurer, avant de pouvoir rencontrer un prêtre. Et là, je vis mon premier temps de confession, ce qu’il m’a proposé. Donc j’ai pu tout lui poser parce que je ne savais même plus comment ça se passait. Et, petit à petit, je dépose tout mon fardeau là et j’ai retrouvé cette joie intérieure.
Et à la fin de ce temps, je me rends à la buvette pour prendre un café. Et là, je ressens une présence intérieure qui vient complètement me consumer : une chaleur intense que j’avais jamais rencontrée. Intérieurement, Il me dit qu’Il m’aime : c’est la première fois que je ressentais cet amour intense. Je Lui réponds oui et je Lui redonne toutes mes dépendances. Ce jour-là, je Lui dis : « Écoute, j’ai rien à te donner, à part l’alcool que je consomme, mon tabac », les autres dépendances que j’avais. Et je lui remets tout. Alors, c’est un peu fou, pour moi, de faire ça, mais… Je ne savais pas trop où j’allais mais…
Donc, ce temps se termine le lendemain, le dimanche : un envoi par une messe à laquelle je participe pleinement. Et je reprends mon train pour rentrer sur Vannes, un peu inquiet de ce qui allait se passer, mais j’avais aucun moyen financier : donc, je ne pouvais rien m’acheter, ni tabac, ni rien… donc là, j’avais pas le choix. Je rentre chez moi. C’est vrai qu’il pouvait rester de l’alcool dans mon appartement. Mais c’est vrai que je Lui avais remis toutes mes dépendances : depuis, je ne bois plus, je ne fume plus… je Lui ai tout redonné.
A partir de là, j’ai pu reconstruire ma vie avec le Christ, avec Dieu. Parce qu’aujourd’hui, dix ans après, j’ai la certitude qu’Il a répondu à mon appel intérieur avant. J’ai pu construire ma vie, remettre en place tout ce qui n’allait pas, déjà personnellement avec moi : parce que, si je n’apprenais pas à m’aimer, je ne pouvais pas pardonner à toutes les personnes à qui j’ai pu faire du mal, revoir mes enfants et reconstruire autre chose avec eux. Donc, c’est ce que j’ai fait pendant tous ces dix ans. Et je continue à faire.
Une grande joie aussi, c’est que, malgré tout ça, malgré tout ce chemin, Il ne nous oublie pas et Il a répondu encore à un autre appel : en 2019, sur un dernier parcours de la paroisse auquel je participais, j’ai voulu témoigner. Il m’a permis de rencontrer mon épouse, une famille recomposée qu’on essaie de construire avec la présence du Christ. Je sais qu’Il est présent. Il était présent dans ma vie avant mais je ne le voyais pas : toutes ces dépendances prenaient toute la place et je lui ai permis de faire le vide. Il a pu s’engouffrer en moi. Chaque jour, j’essaie de savoir comment Il veut que je lui rende tout le bien qu’Il m’a fait, tout le bien qu’Il a pu me donner aujourd’hui. Je ne peux que rendre grâce de cela, qu’Il ait répondu à mon appel.