Je m’appelle Gisèle. Je suis issue d’un milieu catholique pratiquant, très pratiquant. A l’adolescence, j’ai rejeté la messe, la prière. Et j’étais assez révoltée. Je me disais : « C’est pas possible qu’il y ait un Dieu d’amour avec toute la souffrance qui existait. » J’ai choisi la profession d’assistante sociale et très heureuse de l’exercer.
Seulement, quand j’ai commencé à travailler, j’ai été confrontée à la souffrance des personnes, des familles, des enfants. Et c’était vraiment difficile : même si j’ai vu de très belles choses, vraiment, ça a été un choc. Moi-même, dans ma vie personnelle, les débuts du travail ont été très difficiles. Et je suis entrée en dépression. J’ai été accompagnée par un médecin psychiatre qui m’a accompagnée, qui m’a bien aidée. Mais cette question de la souffrance, je la lui posais en disant : « Mais pourquoi cette souffrance qui existe ? » C’était pas avec elle que je pouvais trouver une réponse.
Alors, une personne m’avait parlé d’une personne très handicapée, Marthe, qui habitait dans le Drôme, particulièrement rayonnante, mais qui vivait une proximité très forte avec le Seigneur. Et beaucoup, beaucoup de gens allaient la voir : elle était de bon conseil. Elle donnait des indications, des orientations. Et surtout, elle priait pour les personnes. Et, apparemment, ça marchait. J’étais très curieuse, très orgueilleuse aussi, parce que je me disais : « Je vais voir la faille qu’il y a derrière. » Mais je me disais, j’avais 30 ans, je me disais quand même, dans ma vie c’était important de me poser la question de Dieu.
Donc, je suis partie faire ce qu’on appelle une « retraite ». Et j’ai suivi les enseignements : c’était un prêtre qui parlait de la Bible, des Évangiles. Donc j’ai trouvé intéressant. Je trouvais que tout s’harmonisait bien comme un puzzle. Et je suis allée aussi dans la chambre de Marthe qui avait, à cette époque-là, rejoint le Seigneur. Mais j’ai eu l’audace de lui demander qu’elle me donne un signe. Et je lui ai même dit lequel. Je lui ai dit : « Vraiment, j’ai besoin de savoir si Dieu existe, pourquoi la souffrance. Et en réponse, je vous demande ce signe. » C’est la seule prière que j’ai faite.
Donc, j’ai repris le train. J’étais plongée dans le livre qui racontait la vie de cette personne. Et puis, à un moment, je ne reconnais plus les gares sur le chemin. Et je m’aperçois que, tout simplement, en dérangeant la personne en face de moi, que j’avais pris le train dans le sens inverse. Et je me rappelais que j’avais été à Châteauneuf pour comprendre le sens de la souffrance, pour donner un sens à ma vie. Je suis quelqu’un de scrupuleux qui sait très bien quelle gare, quelle heure, à quel moment. Je trouvais qu’il y avait beaucoup d’humour dans le fait que je me retrouvais dans le sens inverse.
Et là, tout de suite une idée : c’est que ma vie n’allait pas dans le bon sens et que la souffrance de cette personne, Marthe Robin, cette souffrance-là, elle avait un sens, elle avait un sens sacré et que moi, aidée du Bon Dieu, je pouvais faire moins souffrir les autres. J’ai été remplie d’une joie immense, intense, quelque chose de vraiment très fort. Et je savais que ça ne venait pas de moi parce que je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse être aussi heureux. Et bien sûr, ce bonheur, cette joie s’est poursuivie dans les jours qui ont suivi.
Le lendemain, quand j’ai repris mon travail d’assistant sociale, j’ai accueilli un sans-domicile fixe qui, de temps en temps, venait me voir et qui m’a dit : « Oh ! Mais alors toi ! Qu’est-ce que tu as changé ! Toi, qu’est-ce que tu as… » Il me l’a dit trois fois. Voilà : j’avais compris quand même qu’il y avait quelque chose qui avait changé dans ma relation avec les autres. Et c’était une joie inouïe, vraiment, de prendre conscience que moi, aidée du Bon Dieu, je pouvais soulager la souffrance et qu’avec le Seigneur, on pouvait avoir un sens à sa vie.