Je m’appelle Frédéric. Mes parents étaient instituteurs de la république : on les appelle souvent des « hussards noirs. Ils avaient été formés aux écoles normales. Ils venaient eux-mêmes d’un milieu ouvrier, ce qui représentait une ascension sociale. Mais ils avaient gardé de leur éducation le caractère laïc, c’est-à-dire qu’ils étaient garants de la neutralité dans le cadre de l’école.
Néanmoins, c’était l’usage à l’époque, ils m’ont fait faire les étapes de l’éducation chrétienne : le baptême à 1 mois. Quand j’avais 10 ans, j’ai fait ma Première Communion. De temps en temps j’allais à la messe avec ma grand-mère ardéchoise, « pour lui faire plaisir », me disait-on. Et voilà : ça a été, à peu près, tous mes points de contact avec l’Église dans mon enfance.
Le moment où la question de Dieu est venue à mon esprit, c’est mon adolescence, c’était l’époque où, en français, le sujet c’était la « recherche du bonheur ». Et je me suis questionné sur le bonheur, en passant par mon expérience morale du bien et du mal. Et, en réfléchissant à tout ça, j’en étais arrivé à la conclusion que si cette bonté, si cette beauté existait tout le temps et en plénitude, ça devait être ce qu’on appelait « Dieu ». Donc, voilà, une espèce de montée intellectuelle vers la notion de « Dieu ».
Et puis, j’ai connu ma femme. Elle était, elle, tombée dans la marmite chrétienne toute petite : donc, elle avait été à la messe, elle avait fait du scoutisme. Et donc, c’était, pour elle, une habitude. Et, évidemment, elle allait à la messe. Alors, je l’ai accompagnée à la messe. Ma mère a dit à mon père : « Mais, pourquoi il va à la messe ? » Et mon père lui dit : « Ben, ils vont se marier ! Tu ne veux tout de même pas qu’ils ne fassent pas les choses ensemble ! » Donc, ça faisait partie du corpus moral de ce milieu.
Et donc, j’allais à la messe : je ne me suis pas ennuyé parce que j’étais pianiste. On m’a mis derrière l’orgue. Donc, j’ai pu accompagner les morceaux. Et ça m’a fait rentrer en douceur, disons. Et j’ai eu aucune difficulté à comprendre que les questions que je me posais, c’était là où elles avaient leur réponse. Finalement, ce lien, pour moi, n’a pas été difficile.
Et puis, les années sont passés : nous nous sommes mariés, nous avons eu des enfants. Nous nous sommes installés à Rambouillet. Et là, nous avons commencé à participer à la vie de l’Église. Alors, étant musicien, on m’a utilisé pour accompagner la musique dans les messes. Tout ça nous donnait une contenance dans l’Église : on allait à la messe tous les dimanches. Mais, c’est que des gens dans l’Église ont dit : « Frédéric, il fait beaucoup de choses, et pourtant, il n’a pas fini son éducation chrétienne. » Alors, l’éducation chrétienne, il y a le baptême, j’en ai parlé, il y a la Première communion, j’en ai parlé. Et puis il y a une dernière étape qui s’appelle la Confirmation, où on déclare endosser sa foi en tant que jeune adulte.
Je dis : « Oui, dîtes-moi ce qu’il faut faire ! » Et donc, on me dit : « Voilà, il y a une préparation. Tu feras ça au mois de mai avec l’évêques des Yvelines. » Et me voilà parti ! Et puis, à l’intérieur de cette préparation, il y avait quand même une étape, on ne m’a pas poussé à la faire mais je savais qu’elle faisait partie du package : c’était d’aller se confier à un prêtre, lui raconter un petit peu, ce qu’on avait mal fait, discuter avec lui pour clarifier sa vie. Et ça, je me disais non : je veux bien faire tout ce qu’ils veulent, mais aller raconter ma vie à un prêtre, je renâclais. Donc, j’ai fait ma confirmation, sans avoir fait cette étape.
Et puis, la même année, mon épouse me dit : « Ah ! Cette année, on va aller faire une retraite spirituelle. « Alors je dis : « Qu’est-ce que c’est encore ce truc-là ! On n’en a pas fait assez des choses ! » Et nous voilà partis avec nos quatre enfants, à l’époque. Et on arrive au lieu de la retraite. Elle commence. Et, au bout d’une journée d’une demi-journée, alors que je ne pensais plus à cette histoire d’aller raconter ma vie à un prêtre, j’ai senti qu’il fallait que je le fasse, comme si j’étais poussé dans le dos par une force, par quelque chose qui me disait : « Frédéric, tu ne partiras pas de là sans l’avoir fait » ; c’était devenu une urgence.
Et donc, j’y suis allé : c’est ce qu’on appelle, dans le jargon chrétien la « confession ». Et ça a été une libération énorme, parce que j’ai compris que Dieu pouvait me renouveler, me redonner toute sa confiance, quoi que ce soit que j’aie fait.
Et, à partir de là, j’ai eu le désir d’annoncer cette joie aux autres, alors, en particulier dans le domaine du travail : je travaillais dans le milieu automobile. Et, souvent, j’étais amené à faire des voyages en avion. Et quand on est en avion avec un collègue, on reste assis une heure, deux heures ensemble. Et la parole s’ouvre. Et j’ai pu constater que, finalement, les questions de la foi, du sens de la vie, sont présentes dans le cœur de beaucoup d’hommes et que la conversation vient, naturellement, sur ces sujets-là.
Voilà, c’est le résumé de 63 ans d’existence : il n’y a pas de « big-bang ». Il n’y a pas de saut du jour au lendemain : on voit que c’est des étapes progressives dans lesquelles le Seigneur intervient dans ma vie et me guide à le connaître de façon de plus en plus proche.