Je m’appelle Étienne. J’ai 19 ans. Et en fait, tout commence en 5ème où, en traînant avec des amis, on me montre de la pornographie. Et, rapidement pour moi, c’est le début de l’enfer puisqu’on me montre ces images qui me font énormément travailler. Et je me dis : « Ok. » Je ne connais pas tout ce milieu. Et je me dis : « Il faut que j’aille creuser la chose, il faut que je découvre tout ça. », souvent avec toutes ces discussions de collégiens qui sont, souvent, malsaines, puisqu’on découvre tout ça, la sexualité. Et je me plonge dessus.
Et, rapidement, je commence à perdre tous mes moyens puisque je tombe dans l’addiction : je n’arrive plus à sortir de tout ça. Et là, pour moi, c’est un déclic parce que je me dis : « Ok ». Je commence à perdre le contrôle de mon corps, de la machine. Je commence tellement à plonger que j’y vais plusieurs fois par jour. Et là, j’ai honte, même devant mes amis, mes amis qui, eux, en regardent. Moi, je sais en fait que je suis de plus en plus sale et, à la limite, plus sale que tout le monde : cette pornographie n’a pas qu’un effet que sur moi mais, en fait, sur ma vie puisque je commence à me fermer énormément de honte.
Donc, au fur et à mesure, j’ai commencé à avoir des idées noires, des idées suicidaires. Tous les matins, j’allais tout seul à l’école avec un ami. Quand on parlait, je voyais toujours ce boulevard, quand on allait à l’école. Et je m’étais dit : « Il y a un jour où je vais, en fait, me jeter sous un bus parce que je n’en peux plus : je ne peux plus vivre cette double vie. » J’imaginais vraiment ce scénario et pour moi c’était la solution. C’était la solution parce que, j’avais beau m’accrocher à n’importe quoi, essayer de trouver des solutions, à droite, à gauche, même sur internet, je ne trouvais plus rien… C’était horrible.
Toujours en 5ème, je suis rentré de l’école et je vois au loin, une bande de jeunes qui voulait m’agresser, en 5ème. J’ai 12 ans, et ils sont 6. Et moi, je prends peur, très rapidement. Et je ne me pose même pas la question. Je me jette sur le boulevard. Et là, je me fais renverser par une voiture. L’accident est très, très violent : le parebrise de la voiture est explosé. Je suis à terre. Tout le monde pense que je suis mort. C’est assez étonnant. Et j’arrive à l’hôpital. Et, en fait, mes parents arrivent tout de suite. Et les médecins me disent : « Ok, tu n’as qu’une jambe cassée. » Et moi, je ne comprends pas parce que je revois tout cet accident. Je revois tout et je me dis : « J’ai qu’une jambe cassée. D’accord. » Mon père qui me dit : « Étienne, c’est absolument dingue. Tu n’as rien à la tête : ta tête n’a rien frappé. Ton dos n’a rien. Il n’y a que ta jambe. Ça va être très long, ça va être dur pour récupérer ta jambe, mais tu n’as que ta jambe qui est touchée. »
Je reste une semaine à l’hôpital. Et, dans cette semaine, je suis tout seul. Du coup, je ressasse tout ça et je me dis : « Ok. Dieu a un plan pour moi. En fait, si je suis là, c’est que je sers à quelque chose et que je ne suis pas ce pourri, je ne suis pas ce fruit pourri qui ne sert à rien, qui est par terre et qui… Non, en fait, je suis quelqu’un. Et, même si je suis enfoncé là-dedans, j’ai le droit de vivre. »
Pour autant, à la fin de cet accident, quand tout est réglé (j’ai récupéré ma jambe), cette addiction n’était toujours pas partie, cette addiction était toujours là, et de plus en plus forte : j’allais en cours, je rentrais des cours, directement j’étais plongé dans cette addiction, le matin, tout le temps… Et donc, du coup, je me promettais chaque mois, chaque semaine, que j’allais arrêter. Et je voyais que ça ne marchait pas du tout.
A ce moment-là, je perds toute confiance en moi, à ce moment-là, je suis en 3ème. Je réalise que je n’ai plus de volonté, je n’ai plus de dignité et je n’ai plus confiance en moi : en fait, je ne suis plus rien, je suis détruit. Mon cœur, mon corps…tout n’est que champ de ruines dans ma vie.
Et un jour, je me dis : « Il faut que j’en parle. » Je prends une décision et je me dis que je vais voir un prêtre pour en parler. J’arrive à tout avouer, difficilement, mais j’y arrive. Et, à ce moment-là, il y a un moment de silence et je me dis : « Voilà. C’est fini. Le moment arrive où je vais prendre un sermon. Voilà, c’est fini. » Et, en fait, le prêtre me regarde et il me dit : « Bravo pour ce que tu dis ! Bravo ! » Et moi, je ne comprends pas du tout ce qui m’arrive parce que je ne m’attendais pas du tout à ça, à un flot de miséricorde : je voyais vraiment l’amour de Dieu qui me tombait dessus et, pour moi, c’était énorme : moi qui, pendant quatre ans, avait galéré, étais tout seul dans le noir, là, Dieu était là.
Et donc, je ressors tout content en disant : « C’est bon, je suis pardonné, je ne suis plus tout seul. Il y a quelqu’un. Il y a quelqu’un avec moi. » Et je découvre aussi qu’il y a beaucoup de gens qui sont comme moi. Et en fait, je commence à renaître. Pour autant, l’addiction est toujours là. Quelques mois après, mes parents me grillent. Et là, pour moi, c’est le summum de la honte de tous mes parents : mes parents qui voient ça de moi, qui voient cette partie horrible… C’est l’horreur ! Mon père n’est pas encore rentré du travail. Et j’attends, je me rappelle, il est 14h. je me dis : « Il rentre à 20h. » C’est ma mère qui m’a chopé. Et là, il y a de très longues heures où je sais ce qui va arriver. Je sais ce qui va arriver. Je sais que mon père va me hurler dessus et que je vais partir de la maison : pour moi, c’est fini, je vis mes derniers instants à la maison, c’est fini.
Et c’est ça qui est étonnant, que je…mon père rentre du boulot et il s’installe devant moi… Et il me dit qu’il ne me jugera pas et qu’il n’y a personne pour me juger. Et là, je ne comprends rien : pour moi, c’est impossible. Et donc là, mon père me dit qu’il va m’aider, en fait, il va m’aider, avec mes parents.
Et donc là, on commence un parcours à trois qui s’appelle « Libre pour aimer ». Et c’est le début de la guérison, c’est le début de la fin. Je vois le bout du tunnel. Pour moi, il y avait, en fait, c’était sans fin : j’étais tombé dans un trou et plus jamais il n’y aurait de sortie. Et là, il y avait une porte de sortie.
Et je renais, en fait. Et ce que trouve dingue, c’est que je renais par mes parents : pour moi, c’était impossible que mes parents m’aident ! C’était impossible ! Et là, mes parents m’aident. Et je sors de cette addiction, au bout d’un an. Et après, avec difficulté, j’accepte tout ce qui m’est arrivé, j’accepte et je me pardonne. Et en fait, je sors enfin de cette addiction après quatre ans de noirceur, d’horreur.
Oui, finalement, c’est vrai que, quand on regarde en arrière, c’est en fait : c’est le premier qui m’a pris en entier, qui m’a pris dans tout ce que j’étais, dans ma noirceur, et qui m’a pardonné, mais qui m’a pardonné, en fait, Lui, qui m’a pardonné à travers mes parents, qui m’a pardonné avec…moi-même, je me suis pardonné : c’est toute l’action de Dieu, finalement.
Moi, je résume tout ça, finalement, en disant que Dieu est amour, Il est pardon, Il est miséricorde, même dans la plus grande des noirceurs.