Peut-on se passer des prêtres ?

Peut-on se passer des prêtres ?

Ah ! Les prêtres… Quand ils sont chanteurs, « curé des loubards », ermites du désert ou pauvres parmi les pauvres au milieu des bidonvilles, le monde n’a pas de mots assez forts pour exprimer son admiration ! Qu’un scandale arrive et nos abbés n’ont plus qu’à raser les murs. À quoi servent-ils au juste ? Sont-ils les reliques d’un passé révolu ou le signe visible de la vitalité de l’Église ? L’un de nos 14 000 prêtres français a accepté d’être soumis à la question par une Lili Sans-Gêne en grande forme…

LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET LE PÈRE JEAN-BAPTISTE BIENVENU

Lili Sans-Gêne : Les prêtres sont très décriés depuis de nombreux mois en raison des scandales. Pourquoi ne pas s’en passer pour restaurer l’image de l’Église ?

Père Jean-Baptiste Bienvenu : Le prêtre, ce n’est pas une babiole ou un accessoire dont on pourrait se passer en fonction des modes ou des époques. Il y a toujours eu des prêtres dans l’Église et il y en aura toujours. Mais vous avez raison Lili, il faut se remettre en cause et restaurer la confiance. Pour ça, une seule manière : le travail de la vérité jusqu’au bout. C’est la voie qu’a empruntée la commission Sauvé à propos des violences sexuelles dans l’Église, c’est le travail que les évêques continuent de faire, c’est le travail qu’on fait en paroisse.

Vous savez, dans ma ville, je n’ai jamais eu l’impression d’être mal regardé. Les gens, dans la rue ou au supermarché, sont contents de voir le prêtre, leur prêtre, celui qu’ils connaissent. Et c’est vrai même quand ils ne vont pas à l’église ! Dans une ville, les gens sont contents de savoir que la paroisse est vivante, en bonne santé. Ils sont contents d’avoir des prêtres et, soyez-en sûre, ils ne sont pas prêts à se passer des services du prêtre !

Les vocations sont en berne, profitons-en pour former des laïcs qui sauront aussi bien qu’un prêtre célébrer la messe. Et puis on dit partout que les prêtres sont débordés, harassés de fatigue par leurs responsabilités. Il faut déléguer ! Un laïc un peu convaincu pourrait largement les remplacer ici ou là.

Ma chère Lili, merci pour votre question, mais on ne vous a pas attendue pour proposer plein de formations à tout le monde. Vous verriez comment on travaille dans une paroisse : c’est une ruche, un lieu de collaboration, de travail collectif, un lieu où tout le monde propose des idées, lance des initiatives…

Et il ne faut pas croire que les prêtres sont tête de file à chaque fois ! Il y a un mot compliqué pour dire cela : subsidiarité. Chacun se forme et remplit sa mission, en pleine responsabilité. Le curé, c’est, en gros, le chef d’orchestre. Il veille à la communion, il harmonise l’ensemble, il donne les grandes lignes. Mais tout le monde participe et c’est magnifique. Pour la messe, pour les autres sacrements, là, c’est différent. Il faut comprendre un truc simple : les sacrements ne sont pas juste une activité de plus, une fonction qui pourrait circuler de responsable en responsable. On sort du domaine des activités profanes pour entrer dans celui du sacré. Alors, celui qui préside la célébration du sacrement doit avoir reçu la consécration qui correspond. Le prêtre célèbre les sacrements en vertu de l’appel de Dieu et de sa consécration dans l’Église. Vous avez compris : sacré, sacrement, consécration, c’est toujours le même mot pour parler d’un autre ordre. Et là, il y a besoin des prêtres, spécifiquement.

Et les femmes dans tout ça ? La prêtrise est encore un peu trop masculine à mon goût, d’autant qu’à mon avis les candidates ne manquent pas !

Si ça vous intéresse, venez faire un stage au presbytère, Lili ! Je ne suis pas sûr que vous ayez encore envie de devenir prêtre après cela… Plus sérieusement, il ne peut pas y avoir de femmes prêtres pour une bonne raison : Jésus lui-même était un homme, un homme masculin. Et comme le prêtre doit représenter le Christ dans les sacrements, il faut que ce soit un homme. Ce n’est pas une question de fonction ou de capacité. Des femmes rempliraient très bien toutes les missions que remplit un prêtre, j’en suis convaincu. Mais là, on se situe au niveau de la cohérence du symbole.

On me dit que seuls les prêtres peuvent pardonner les péchés. C’est absurde ! Autant demander pardon directement à Dieu !

Bien sûr, Dieu est celui qui pardonne, mais là encore, il faut être concret. Le prêtre qui confesse propose un lieu d’écoute absolument gratuite et confidentielle, un lieu d’accompagnement, un lieu pour progresser. Qu’il est bon de pouvoir vider sa honte, sa culpabilité à quelqu’un qui vous écoute vraiment dans un cadre privilégié ! Qu’il est bon d’entendre quelqu’un répondre de la part de Dieu : « Tu es pardonné. » Le prêtre rend présent de manière objective, de manière sensible, le pardon. Quand je vous confesse, Lili, je suis à votre service.

Admettons que je veuille me marier, est-il vraiment indispensable qu’un prêtre bénisse mon union alors que je suis déjà passée devant le maire ?

Le maire vérifie les conditions extérieures : y a-t-il une contrainte physique ? Il énonce des articles de loi, mais il ne peut pas entrer dans le secret des cœurs. Le prêtre, lui, s’occupe de l’intérieur. Quand je prépare un couple au mariage, les futurs mariés viennent me rencontrer plusieurs fois. On parle en vérité, on identifie des difficultés, on les travaille, on améliore la communication interpersonnelle, on parle aussi de Dieu… Bref, se marier à l’église, c’est demander à Dieu lui-même de sceller cette union, de la forger à l’intérieur même de son amour à lui, un amour qui a fait ses preuves. Il suffit de regarder Jésus sur la croix, il s’y connaît, lui, en fidélité. C’est tout ça, le mariage religieux, toute cette valeur ajoutée.

Dans le fond les prêtres forment une caste un peu coupée du monde, qui veut pouvoir continuer à exercer son pouvoir sans partage dans l’Église !

Coupée du monde… C’est carrément l’inverse ! Je voudrais vous y voir, vous, à ma place. Dans une ville, dans un quartier, à part le maire, je ne pense pas qu’il y ait de personnes plus en interaction que le prêtre. Et puis, je vais peut-être vous étonner Lili, mais je suis un homme comme les autres : j’ai des amis, je vais boire des coups avec eux, je vais au cinéma, je vais me balader, je fais du sport, je joue de la musique.

Alors, bien sûr, comme beaucoup d’autres acteurs de la vie, le prêtre reçoit un pouvoir dans l’Église. Il l’exerce normalement comme un service : service des plus petits, des plus fragiles, service de la communion dans la paroisse, service pour annoncer au plus grand nombre possible que Jésus est le Sauveur, et que ce salut est encore valable en 2022. Mais ce pouvoir, le prêtre ne peut pas l’exercer seul. Et si c’est le cas, il y a des contre-pouvoirs pour faire rentrer les choses dans l’ordre. Notre pouvoir s’appelle ministère. Et ministère, ça veut dire service. C’est le sens du mot en grec, c’est le sens de notre vie. Je suis heureux qu’on ait pu en parler aussi librement. Merci Lili !

POUR ALLER PLUS LOIN

Le père Jean-Baptiste Bienvenu est prêtre du diocèse de Versailles, membre de la Communauté de l’Emmanuel et rédacteur du Padreblog (www.padreblog.fr). Il enseigne la théologie morale au séminaire de Versailles où il est vicaire en paroisse à Vélizy.

Pourquoi Padre ? 70 questions-réponses sur la foi et la vie chrétienne Les prêtres du Padreblog, Artège, 2022, 240 pages, 14 €.

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