Notre vie est-elle guidée par le hasard ?

Notre vie est-elle guidée par le hasard ?

Débat. Beaucoup de nos contemporains voient dans les événements de leur vie le fruit du hasard, de la chance, de la fatalité, du destin… Pour les chrétiens, le hasard porte un autre nom, la Providence, et a un auteur, Dieu.

LE DEBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET PIERRE DESCOUVEMONT

1. Tout ce qui se produit dans le monde peut s’expliquer par « le hasard et la nécessité », selon le titre de l’ouvrage publié en 1970 par Jacques Monod. Ce prix Nobel de biologie estime que l’apparition de la vie sur notre planète et l’évolution des êtres vivants vers des cerveaux de plus en plus performants peuvent être le résultat du hasard.

Beaucoup de savants pensent le contraire. Si l’on découvrait sur la lune, dit Alfred Kastler – prix Nobel de physique, incroyant lui aussi –, une usine d’aluminium qui fonctionne toute seule, personne n’oserait dire : « C’est le hasard ! » On dirait que des extraterrestres sont venus l’y installer. Or, continue-t-il, le corps humain est infiniment plus complexe qu’une usine d’aluminium : il a donc été pensé par une Intelligence extraordinaire – mais qui n’est pas pour les panthéistes un Dieu personnel.

2. Admettons que Dieu a mis toute son intelligence à faire advenir dans le monde de très belles fleurs, de très beaux enfants et d’excellents fruits pour les nourrir ; il n’en est pas moins incapable de maîtriser l’ensemble de son œuvre, puisqu’il ne réussit pas à empêcher la violence des vents et la virulence des microbes d’exercer leurs ravages. Il n’est donc pas « tout-puissant », comme vous avez la naïveté de le chanter dans votre Credo.

Cette « toute-puissance », cette « providence » que Dieu exerce sur le monde, on ne peut pas la prouver par des arguments rationnels. C’est Dieu qui nous a révélé ce merveilleux mystère auquel les juifs croyaient déjà. Il consiste à croire que Dieu ne permettrait jamais l’existence d’un mal chez un seul de ses enfants s’il n’était capable d’en tirer un bien plus grand ! Quand Job perd sa santé et tous ses biens, il reçoit ce malheur de la main même de Dieu. Avant d’être arrêté dans le jardin de Gethsémani, Jésus dit à Dieu : « Que ta volonté soit faite, et non la mienne. » Il reconnaît donc la volonté de son Père à travers la méchanceté des hommes qui vont le tuer !

3. On est en pleine contradiction ! Nos malheurs seraient contraires à la volonté de Dieu mais, en même temps, ces événements ne lui déplairaient pas tellement, puisqu’Il arriverait à en tirer quelque chose de bon !

Non ! La Bible ne cesse de rappeler la colère de Dieu contre le scandale du mal. Quand sainte Thérèse de Lisieux dit « tout est grâce », cela ne signifie pas « tout est bien », à la façon du Nouvel Âge. Le mal n’est pas un moindre mal : il reste un mal et trop souvent un mal affreux. Mais, dans sa sagesse et sa puissance infinies, Dieu réussit à le faire servir à notre bien par des voies qui nous échappent. Parfois cependant – trop rarement à notre gré – ce « bien » nous saute aux yeux : il arrive qu’un accidenté rencontre à l’hôpital une charmante infirmière… qui devient son épouse !

4. Dire que Dieu permet le mal, n’est-ce pas l’en rendre complice ?

C’est le mot que les chrétiens ont pris l’habitude d’employer pour montrer que Dieu ne veut pas nos malheurs comme Il veut notre sainteté. Mais le mot est maladroit en effet, car il risque de nous faire oublier que Dieu est vraiment en colère contre le mal dont il « permet » l’existence ! Nous ne disposons pas de mots pour exprimer ce mystère d’actions qui sont totalement en désaccord avec la volonté de Dieu, mais que Dieu « utilise » à sa manière divine pour réaliser les desseins de sa Providence. Le comble, c’est que Dieu se sert même de ce que font les démons – qui ne cessent de lui désobéir – pour faire progresser ses amis. Le Curé d’Ars considérait comme providentiels les bruits intempestifs que Satan provoquait la nuit dans son presbytère pour l’empêcher de dormir !

5. Ne pourrait-on pas atténuer le mystère du mal en disant que Dieu serait « tout-puissant », mais « en amour », c’est-à-dire qu’Il se contenterait de nous aimer énormément. Ayant décidé, par respect pour notre liberté, de ne pas intervenir dans l’histoire des hommes, Il compatirait à nos souffrances, nous aiderait à les supporter et nous promettrait d’essuyer à la fin des temps toutes les larmes de nos yeux, mais Il assisterait, impuissant et malheureux, à la façon dont nous organisons ou désorganisons la planète.

C’est effectivement une idée très à la mode. Son succès vient du fait qu’elle semble innocenter Dieu de l’existence de tous nos drames. Mais ce serait finalement une très mauvaise nouvelle ! Après avoir mis toute son intelligence à créer les milliards d’espèces végétales et animales, Dieu se serait mis au chômage après avoir créé l’homme. Jésus se serait trompé en affirmant que son Père veillait sur nous avec plus de sollicitude qu’Il ne s’occupe du moindre moineau (Lc 12, 6). Non, Jésus ne s’est pas trompé : Dieu fait tout concourir à notre bien (Rm 8,28). C’est pourquoi personne ne déprime dans le ciel en voyant ce qui se passe sur terre. Dans le paradis, on n’a plus besoin de croire à la Providence : on la voit à l’œuvre !

6. Croire à la Providence, n’est-ce pas revenir à la croyance des Grecs au Destin ?

Les héros de la tragédie grecque ne peuvent rien faire pour échapper à leur Destin : ils ne peuvent que se révolter contre Lui. Judas n’est ni Œdipe ni Sisyphe : il aurait pu ne pas trahir. Sa trahison, toute prévue par Jésus qu’elle ait été, fut un acte commis en toute liberté. La Providence de Dieu ne fait pas de nous des robots.

7. Si Dieu est tout-puissant, pourquoi n’a-t-il pas empêché les hommes de déraper ? Il eût été plus simple de nous préserver de tout péché !

Des créatures sont forcément des êtres qui ne possèdent pas la merveilleuse faculté divine d’être impeccable. Dieu nous a créés pour que nous devenions parfaits. Jésus nous en a même donné l’ordre (Mt, 5, 48). Mais, tout comme les anges, nous ne le sommes pas par nature : il faut d’abord accepter de ne pas l’être au point de départ. Or, nous sommes tous tentés de blasphémer, c’est-à-dire de reprocher à Dieu de n’être pas comme Lui, de ne pas avoir son intelligence, de ne pas comprendre sa façon de diriger le monde. Tentés de Lui dire : « À ta place, Seigneur, j’agirais autrement, je ne permettrais pas que mon mari, ma femme, mes enfants aient autant de difficultés ! » Qui sommes-nous pour juger Dieu ?

8. Cette acceptation de notre condition de créature me paraît humiliante et au-dessus de nos forces.

Il n’est pas humiliant de nous recevoir comme cadeau de Dieu et de Lui en dire « Merci » ! Mais nous avons un mal fou à reconnaître notre incapacité à comprendre l’alchimie mystérieuse que Dieu utilise pour transfigurer nos épreuves en étapes vers notre bonheur. C’est pourquoi le Fils de Dieu lui-même a pris un corps et une âme de créature. Et Lui-même a eu du mal à faire la volonté de son Père. Un quart d’heure avant d’être arrêté, il demande encore à son Père s’Il doit vraiment monter au Calvaire. Mais Il dit « oui » à la volonté mystérieuse de son Père ! C’est ce « oui » qui nous a sauvés en réparant toutes nos révoltes. Et c’est ce « oui » qui est passé parfaitement dans le cœur de Marie et qui doit passer dans le nôtre, malgré notre tendance à nous révolter contre la façon dont Dieu dirige le monde.

POUR ALLER PLUS LOIN

Le père Pierre Descouvemont a été professeur de philosophie à Douai pendant plus de vingt-cinq ans, puis aumônier de jeunes,
il a aussi été conseiller national des équipes Notre-Dame pour les couples. Actuellement, il prêche des retraites en différents lieux. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment le Guide des difficultés de la foi catholique, Cerf, 1989.

Peut-on croire à la Providence ? Pierre Descouvemont, Ed. de l’Emmanuel, 2007 

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